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Le Donut de Mobilité : repenser notre approche de la mobilité

Se déplacer toujours plus vite, toujours plus loin… et si on essayait de se déplacer mieux ? La question se pose d’autant plus que des solutions mobilisant toujours plus des prouesses technologiques se diffusent ; mais ces modes de transports ne seront pas accessibles à tous.

Depuis des décennies, nous nous déplaçons environ 70 à 90 minutes par jour en moyenne, quel que soit le niveau de revenu ou le mode de transport utilisé. Le développement des infrastructures de transport ne fait donc pas gagner du temps, mais permet de se déplacer plus loin.

Nous avons pris l’habitude de concevoir la mobilité comme devant croitre en permanence. Mais comment investir de manière à ne laisser personne au bord de la route ? En adaptant au domaine de la mobilité la Théorie du Donut de l’économiste Kate Raworth, Mobycon propose un nouveau cadre pour penser la mobilité non plus en termes de croissance permanente, mais par une approche plus soutenable, inclusive et qualitative.

 

Manque de mobilité

Il y a quelques années, une société de transport en commun néerlandaise a lancé un projet innovant dans une ville pour lutter contre un trafic toujours plus dense. L’objectif était d’inciter les automobilistes à laisser leur voiture pour prendre le bus. Soutenue par un budget intéressant de la part du gouvernement, la société a sorti le grand jeu : nouvelles lignes reliant directement les zones résidentielles et les lieux de travail, itinéraires et horaires sophistiquées, bus luxueux, campagne de marketing à la pointe. Malgré ces efforts, les quelques nouveaux passagers que cela a permis d’attirer se sont montrés très critiques : un chauffeur qui ne souriait pas, un autre qui prenait un virage trop rapidement, une minute de retard, … Le groupe cible (des cadres en bonne santé possédant maison et voiture) n’appréciait pas le service proposé comme espéré par la compagnie de transport.

En parallèle, la société a fait un essai avec un petit « bus de service » qui suivait un itinéraire dans le village, spécifiquement destiné aux personnes âgées. Cet itinéraire reliait des établissements de santé, les résidences pour personnes âgées et quelques commerces. Il n’était pas rapide et empruntait un chemin sinueux à travers le village, mais les chauffeurs aidaient également les passagers lorsque cela était nécessaire. Pour certaines personnes qui sortaient très peu de chez elles, ce nouveau service a suscité des réactions très émouvantes, car elles pouvaient à nouveau participer à la société. Certains passagers n’avaient pas vraiment besoin d’aller quelque part, mais faire l’aller-retour en discutant avec le chauffeur et les autres passagers était un plaisir en soi. La transition d’un manque de mobilité vers une mobilité épanouie s’est faite par un simple trajet en bus.

Malheureusement, par rapport aux normes des transports en commun, ce type de bus est trop lent et pas assez rentable. Cette anecdote nous permet de nous demander si, dans le monde de la mobilité, nous nous occupons vraiment des « bons » problèmes. En tant que société, nous consacrons beaucoup de temps, d’énergie et d’argent à faciliter les choix de mobilité des personnes déjà très mobiles. Alors que les municipalités doivent mettre la main à la poche pour financer le transport des personnes âgées, des milliards sont investis dans des projets douteux tels que l’élargissement des autoroutes : cela contribue à la mobilité excessive.

 

Mobilité excessive

Lorsque l’on habite à proximité de grands centres-villes, on a souvent une multitude d’options de mobilité à notre disposition : marche, vélo, bus, métro, train et, éventuellement, voiture ou scooter partagé. Ces possibilités sont plus que suffisantes. Pourtant, en regardant les rues, on voit trop souvent de nombreuses voitures garées devant les immeubles. Ces voitures prennent de l’espace qui pourrait être utilisé pour planter des arbres et d’autres plantes (dont nous mesurons un peu plus l’importance à chaque nouvelle canicule), ou pour installer des parkings à vélo.

En tant que consultants en mobilité, nous nous projetons dans le monde de demain. Beaucoup pensent (souvent inconsciemment) que l’avenir doit être capable de nous emmener toujours plus vite, toujours plus loin. C’est sur cette base qu’ont été élaborées les politiques d’aménagement ces dernières décennies. Au sein des transports publics, la priorité est souvent donnée aux grands flux de transport, capables de transporter le plus de personnes possible, d’un point A à un point B, à moindre coût, pour atteindre un bon rapport coût-avantage. Dans le même temps, des milliards sont investis chaque année en France (mais pas seulement) pour fluidifier la circulation automobile et augmenter la capacité des routes en rajoutant une énième voie pour les voitures. Depuis des années, nous travaillons activement à étendre les possibilités de ceux qui sont déjà sur la route. Le résultat est que nous parcourons des distances toujours plus grandes parce que l’asphalte s’étend toujours plus loin devant nous.

De plus en plus, nous touchons aux limites de cette approche. Tout d’abord parce que nous manquons d’espace, mais aussi parce que nous devons être attentifs à notre environnement et à notre propre santé. En outre, le fossé entre ceux qui peuvent se déplacer et ceux qui subissent un manque de mobilité se creuse, en témoignent les difficultés voire l’impossibilité d’accès à des services de transports en commun (y compris le train) dans de trop nombreuses zones rurales, où les habitants se retrouvent condamnés à la dépendance à la voiture. Ainsi, un usager du bus qui ne peut plus prendre les transports publics devient un automobiliste de plus coincé dans les embouteillages aux heures de pointe.

 

Mobilité épanouie

L’expérience des transports ne se limite donc pas à un simple déplacement de A à B. Nous rêvassons en regardant par la fenêtre (de la voiture, du bus, du tram ou du train) et laissons libre cours à nos pensées lorsque nous sommes sur un vélo ou que nous marchons. Nous pouvons même modifier notre itinéraire pour passer dans un environnement naturel plutôt que le long d’une route très fréquentée.

Les différents confinements nous ont fait prendre conscience du sentiment de bonheur que l’on ressent en étant sur la route. Il y a deux ans, qui aurait pensé que le trajet vers le travail, l’école ou le club de sport nous manquerait ? En vivant nos déplacements comme des expériences uniques, nous touchons à ce que nous appelons la mobilité épanouie : la jouissance de l’expérience du déplacement par chacun, indépendamment de l’investissement – économiquement parlant – le plus efficace. Elle concerne notre environnement de vie, le voyage vers notre destination et le bonheur que l’on ressent lorsqu’on l’atteint. La mobilité épanouie est liée à des aspects culturels, sociaux et économiques et contribue au bien-être des personnes lorsqu’elles se déplacent.

Or, l’accès aux grands flux de transport n’est pas évident pour tout le monde, et nombreux sont ceux qui sont gênés dans leur participation aux activités sociales en raison d’une mobilité limitée. Les transports en commun peuvent être trop chers voire indisponibles, les personnes n’ont pas accès à une voiture ou leur mobilité est physiquement limitée. Se déplacer devient alors une épreuve. C’est pourquoi les concepts de manque de mobilité, de mobilité excessive et de mobilité épanouie sont étroitement liés.

Dans le cadre de nos projets, nous nous efforçons d’atteindre cette dernière. Nous utilisons souvent la pyramide de Maslow pour définir le bonheur à vélo et appliquons la théorie du flux de Csiksentmihaly :

La pyramide du vélo de Maslow

Selon nous, la mobilité épanouie consiste à trouver le juste milieu entre les besoins de mobilité des personnes et les limites de la croissance de la mobilité, en prenant en compte les externalités négatives sur l’environnement, la sécurité routière ou la santé. Ces choix dépendent en grande partie de la politique d’aménagement du territoire, qui a le pouvoir de réduire le manque de mobilité et la mobilité excessive.

 

Atteindre l’équilibre

Nous voyons donc dans la Théorie du Donut de Kate Raworth un parallèle intéressant à faire avec le thème de la mobilité.

De très nombreux pays ont l’ambition de bâtir un système de mobilité sûr, robuste et durable. Mais les instruments et les cadres d’évaluation actuels ne sont pas suffisants. Ils sont fortement axés sur l’extérieur du Donut de Mobilité, c’est-à-dire sur les personnes qui sont déjà mobiles. Grâce à cet outil, nous accompagnons nos clients vers une société plus juste, où chacun a accès à une mobilité épanouie, et qui respecte un meilleur équilibre entre les différentes préoccupations que nous devons prendre en compte.

L’emplacement exact des limites du Donut de Mobilité dépend de l’expérience de chaque personne. C’est pourquoi, chez Mobycon, nous cherchons à donner la priorité aux usagers, car il n’existe pas de solution unique. De plus, nous ne savons que trop bien que les limites du Donut dépendent des normes sociales et sont largement déterminées par des choix politiques.

Avec le Donut de Mobilité, nous voulons sensibiliser les gens à l’existence des limites du Donut et à l’influence de certains choix sur celles-ci. De cette manière, nous voulons focaliser l’attention sur les personnes plutôt que les lieux et les modes de transport. Nous recherchons un meilleur partage de l’espace public disponible pour rendre la rue vivante à nouveau. Si notre société reste à l’intérieur des limites du Mobility Donut – dans l’espace dédié à la mobilité épanouie – nous pouvons parler d’une société qui aime l’expérience de mobilité. Un système de mobilité à l’épreuve du temps, où le plus grand nombre de personnes est en mesure de répondre à ses besoins de mobilité dans le cadre des réseaux et des ressources disponibles, sans dépasser les limites de notre société. Voilà ce que nous défendons et ce que nous nous efforçons de réaliser au sein de Mobycon !

 

Commencer avec le Donut de Mobilité

Il est maintenant temps de se mettre au travail ! En utilisant le Donut comme point de départ, nous engageons un dialogue entre les différentes personnes concernées et nous disposons d’un cadre d’évaluation lors de l’élaboration des programmes de mobilité. Notre objectif est de l’utiliser pour créer un environnement de compréhension, de collaboration et de coopération entre les différentes parties prenantes. Pour faciliter cela, nous développons actuellement un jeu interactif sur le Donut de la Mobilité. Si vous êtes curieux de connaître ce jeu ou si vous souhaitez y participer, n’hésitez pas à contacter notre équipe !

 

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